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ÉRIC LE MENDIANT.

l’effroi dans son esprit. Son cœur battait plus vite dans sa poitrine ; le sang circulait plus ardent dans ses veines ; tout son corps tressaillait d’une joie sans seconde quand, par hasard, sa main rencontrait la sienne. La nuit, Marguerite avait des insomnies étranges ; aux pâles rayons de la lune, il lui semblait voir les anges, ses sœurs, s’asseoir à son chevet, et la contempler tristement ; elle s’effrayait malgré elle, et, par une contradiction qu’elle ne pouvait comprendre, elle aimait ce trouble, cette frayeur, cette vague inquiétude dont son âme était pleine.

Qu’allait-elle devenir quand il lui faudrait s’éloigner ? quand il lui faudrait quitter le bourg pour n’y plus revenir ? quand il lui faudrait renoncer à revoir jamais Octave ?

Marguerite ne se sentait pas la force de lutter contre la volonté de son père ; elle n’en avait ni le courage ni la pensée ; elle était décidée d’avance à faire le sacrifice de son amour, à mourir lentement, plutôt que d’attrister, par un refus, la vieillesse de son père ; et cependant combien de larmes, combien de tristesses, de désespoirs !…

La vieille Jeanne, la servante de l’abbé Kersaint, n’avait pas quitté Marguerite ; il se faisait tard cependant, et c’était l’heure du repos. La vieille Jeanne se mit en devoir d’aider la fille de Tanneguy à se dépouiller de ses vêtements du jour.

Ces soins arrachèrent pour un moment Marguerite à ses tristes préoccupations. La femme redevenait enfant, pour admirer chaque parure qu’on lui ôtait, et elle ne se lassait de regarder sa petite glace, comme pour s’assurer qu’elle restait jolie.

Tantôt c’était son collier de perles blanches qu’on lui enlevait, et elle redressait avec fierté son beau col de cygne, aussi blanc que la neige. Une autre fois