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ÉRIC LE MENDIANT.

le comte ; demain, grâce à vous, ma fille et moi nous quitterons le pays… Et je vous le dis, avant de vous quitter, je vous le dis sans colère et sans forfanterie, je prie Dieu qu’il vous éloigne à tout jamais de ma demeure.

Octave avait tout écouté sans répondre.

Toutes ces insultes il les avait dévorées sans mot dire ; c’était le père de Marguerite qui parlait, et il faisait sans hésiter le sacrifice de sa vanité à son amour.

Mais quand le vieux Tanneguy eut cessé de parler, il releva la tête et fit quelques pas vers lui :

— Monsieur, lui dit-il d’une voix ferme, les apparences accusent aujourd’hui la sincérité de mon amour, et ce n’est ici ni le lieu ni le moment de me disculper !… Pour Marguerite, pour moi, pour vous-même, je me tairai… Je n’ai qu’un mot à dire cependant, et ce mot renfermera toute l’explication de ma conduite : j’aime Marguerite, et je jure Dieu qu’elle sera ma femme.

Puis, se tournant alors vers la jeune femme qui se tenait plus morte que vive adossée à la fenêtre ouverte :

— Adieu, lui dit-il, mais cette fois la voix pleine de larmes et le cœur brisé, adieu, Marguerite. Oh ! ne m’oubliez pas trop vite, et un jour vous saurez combien je vous aimais !

Et, sans attendre de réponse, il franchit le seuil de la porte, sans même oser regarder en arrière.

Cependant Marguerite était tombée à genoux, la tête dans ses mains.

Elle sanglotait.

Le lendemain, la ferme fut vendue à la hâte, et le père Tanneguy et sa fille quittèrent précipitamment le pays, sans que l’on pût dire quelle direction ils avaient prise.