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ÉRIC LE MENDIANT.

— Mais… que s’est-il donc passé ? ajouta encore le vieux Breton, qui ne se rappelait pas.

Puis, passant de nouveau sa main sur ses tempes glacées, il chercha à fixer ses esprits ; son regard examina une à une les touffes de genêts qui ornaient les revers de la route, les chevaux attachés à la haie, Octave, Horace, tout ce qui l’entourait ; et quand il le reporta sur lui-même, il s’arrêta et laissa échapper un mouvement d’effroi, en apercevant sa propre blessure :

— Du sang !… s’écria-t-il ; mais cette fois d’une voix ferme et qui ne tremblait plus… Du sang… ! oh ! je me rappelle… tout à l’heure… ici… Éric. Éric le mendiant… le misérable… C’est lui, messieurs, c’est lui, il voulait m’assassiner !

— Que vous disais-je ? fit Horace à l’oreille d’Octave.

— Silence ! interrompit ce dernier.

Depuis quelques secondes, en effet, Octave semblait s’être transformé.

La voix du Breton, ce nom d’Éric qu’il avait jeté au milieu de sa phrase, cet éclair sauvage qui jaillissait de ses yeux, toutes ces particularités, insignifiantes ou naturelles en apparence, l’avaient profondément agité ; et maintenant, pâle, ému, respirant à peine, il attendait, suspendu aux lèvres du patient, qu’un mot vint encore qui fixât ses irrésolutions.

Mais le Breton paraissait s’être calmé ; il avait saisi la main d’Horace, et la serrait dans les siennes avec effusion.

— Vous l’avez dit, monsieur, poursuivit-il d’une voix pleine de larmes, c’est Dieu qui vous a envoyé à mon secours… car ma mort eût été un grand malheur, savez-vous bien ?… non pour moi, qui n’ai plus grand temps à vivre sans doute, mais pour