Page:Zaccone - Éric le mendiant - Un clan breton, 1853 .djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
ÉRIC LE MENDIANT.

due à jamais, sans espoir… La vue de la pauvre enfant, dans sa pénible position, eût renouvelé toutes ses souffrances, sans y apporter le moindre remède ; il valait mieux la quitter sans la revoir, il valait mieux partir sans lui parler.

D’ailleurs, il avait encore, dans son cœur, l’image ineffable de l’enfant heureuse qu’il avait connue et aimée ; il ne voulait pas attrister sa vie, en apportant dans sa solitude le souvenir cruel de son malheur !

C’est ainsi qu’il avait raisonné dès les premiers moments ; il espérait alors qu’Horace lui apporterait des nouvelles de Marguerite, que quelqu’un lui parlerait d’elle, qu’il saurait enfin d’une manière certaine que penser et que faire.

Mais Horace n’avait point encore rencontré Marguerite ; pour complaire à Octave, il avait, à diverses reprises, demandé au père Tanneguy à la voir ; sa qualité de médecin lui donnait le droit d’être indiscret, elle lui en imposait presque le devoir. Le père Tanneguy avait repoussé toute avance à ce sujet : la solitude, prétendait-il, convenait surtout à l’état de sa fille ; elle vivait fort retirée, ne voyait que son père, et souriait seulement le soir quand la journée avait été belle.

Le père Tanneguy avait ajouté que sa santé propre était pour ainsi dire rétablie, qu’il n’oublierait jamais le service qu’Horace et Octave lui avaient rendu, mais qu’il désirait bien vivement ne pas les retenir dans le pays plus longtemps qu’il ne leur convenait à eux-mêmes.

C’était une manière indirecte de les congédier ; mais Horace, par amitié pour Octave, n’y voulut point prendre garde.

— Ainsi, disait Octave après que son ami l’avait entretenu longuement de l’intérieur de la ferme du