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ÉRIC LE MENDIANT.

du passé. Marguerite doit être ainsi. Une heure passée à ses genoux suffirait à la rendre heureuse et à la faire souvenir !

Il s’arracha de la place qu’il occupait et fit quelques pas vers la ferme. Il était plein d’hésitation et de terreurs ; mais une volonté plus forte que la sienne le poussait en avant, et il obéissait à cette impulsion, sans en chercher la cause.

Il ne connaissait pas la ferme, mais son cœur le dirigeait, et il arriva peu après à deux pas du verger, lequel n’était séparé de la voie publique que par une mauvaise clôture en branches de houx.

Une émotion indicible s’empara de son esprit, quand il posa le pied sur ce terrain. C’était là qu’habitait Marguerite ; ces lieux étaient pleins d’elle ; elle y venait quelquefois sans doute ; les allées sablées qu’il foulait avaient été sans doute souvent foulées par ses pas. Une exaltation singulière saisit son cœur, et il marcha devant lui, à pas rapides et pressés.

Combien il l’aimait en ce moment ! Son amour s’était augmenté du mystère qui l’entourait, et plus encore peut-être de cette sympathique pitié qui s’adresse à tout être qui souffre.

Octave se félicitait d’avoir surmonté ses craintes, d’avoir fait taire ses hésitations, et son pied s’appuyait ferme sur le sol.

Qu’avait-il à craindre, d’ailleurs ? et quel était son crime ?

Il avait aimé Marguerite, et il l’aimait encore autant qu’un homme peut aimer une femme ; il avait fait de cet amour le seul rêve de sa vie ; il n’avait pas d’autre désir, pas d’autre ambition.

Pourquoi aurait-il reculé ?

Il s’assit sur un tertre de gazon que le vent d’automne avait flétri, et, prenant sa tête dans ses mains,