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ÉRIC LE MENDIANT.

Un sourire d’une ineffable douceur vint effleurer en ce moment les lèvres de la jeune fille.

— Ai-je souffert ? répondit-elle en oubliant son beau regard sur le front d’Octave, je ne m’en souviens plus. Vous étiez parti, j’étais seule aussi comme vous ; comme vous je pleurais un amour brisé, un passé perdu. L’avenir s’était fermé tout à coup devant mes regards ; il n’y avait plus rien autour de moi qu’une solitude profonde et triste… Mais que vous dirai-je, Octave ? j’avais confiance en Dieu, en moi, en vous-même. Je ne pouvais croire que vous m’oublieriez ; j’espérais toujours, et je vous attendais…

— Bonne Marguerite !

— Pourquoi cela était-il ainsi ? qui mettait cette foi dans mon cœur ? d’où vient que je n’ai pas désespéré ? je l’ignore. Mais Dieu a béni mon courage, et aujourd’hui, à cette heure où je vous revois, il me semble que ces deux années d’absence ont passé comme un rêve ; et je cherche en vain à me rappeler si j’ai souffert et si j’ai pleuré.

Octave ne répondit pas ; mais son cœur se serra douloureusement. Les paroles de Marguerite le rappelaient à la réalité de la situation ; un mot avait suffi pour rouvrir l’abîme insondable qui les séparait désormais. Les vains efforts que la jeune fille faisait pour réédifier ce passé qui venait de s’écouler sans laisser aucune trace dans son souvenir disaient assez l’état de son esprit : c’était un mal sans remède ; la pauvre enfant était bien folle, folle comme Ophélia…

Octave frissonna.

— Ainsi, reprit-il bientôt, en se contenant, vous m’avez pardonné ?

— Vous en ai-je donc voulu ?

— Et vous m’aimez toujours ?