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SOUVENIRS SUR LÉNINE

par les classes et les castes qui dominaient jadis. Nous avons éveillé et surexcité chez les ouvriers et les paysans d’immenses besoins culturels auxquels il nous faut faire face. Pas seulement à Pétrograd et à Moscou, ou dans les centres industriels, mais encore en province et jusque dans les villages. Et nous sommes un peuple pauvre, extrêmement pauvre ! Que nous le voulions ou non, les vieux resteront pour la plupart, au point de vue culture et civilisation, les sacrifiés, les déshérités. Certes, nous faisons la guerre, une guerre opiniâtre à l’analphabétisme. Nous installons des bibliothèques et des « baraques de lecture » dans les villes, grandes et petites et dans les villages. Nous organisons les cours les plus divers. Nous donnons de bonnes représentations théâtrales, de bons concerts. Nous envoyons dans tout le pays des « trains de culture » et des « expositions ambulantes ». Mais, je le répète, qu’est-ce que tout cela pour les millions d’hommes à qui font défaut les connaissances les plus élémentaires, la culture la plus primitive ? Tandis qu’à Moscou dix mille hommes aujourd’hui et dix mille autres demain goûteront au théâtre l’ivresse d’un brillant spectacle, l’art que réclameront à grands cris des millions d’hommes, ce sera l’art d’épeler, d’écrire son nom et d’apprendre à compter ; la culture dont ils auront faim, ce sera de savoir que la terre est une boule et non pas un disque, et que l’univers est régi par des lois naturelles et non point par le « Petit