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LE BOUTE-CHARGE

que Saumur, que Tours, plus loin que Lyon et Valence.

En route, la bande des conscrits embarqués ensemble entonne des chants où les mots Patrie… Aux armes… font tressaillir des fibres enfouies au plus secret de leur pensée. Adieu la ferme, les bœufs, les sillons, les blés… Pierre demeure tout étonné du gros chagrin qu’il éprouve. Déjà sans force, il devine avec épouvante que ce chagrin-là deviendra du désespoir. Il cherche à reprendre courage. Et la seule consolation qu’il trouve, dans l’amollissement de toute son énergie, c’est de songer au retour ! Dans quelques mois, il demandera une permission… Cette idée le berce et l’endort. Les années passent. Il rentre. On l’attend… Il va donc tout revoir… Un sifflement aigu comme une ironie le réveille. Le train s’arrête.

Il fait presque nuit. Un sous-officier est là qui reçoit les conscrits, les compte, les aligne. Pierre regarde devant lui : à un petit kilomètre, il aperçoit la garnison estompée par la