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LE BOUTE-CHARGE

ments carrément assises sur les planches à bagages, les carabines qui dorment au râtelier, le chien au cran de sûreté, les sabres à leur clous, les brides suspendues au panneau du fond, les casques qui luisent vaguement de distance en distance, comme des armures prêtes à revêtir les chevaliers qui, au matin, vont chevaucher dans les tournois. Et dans l’ombre qui s’étend sur les chambres endormies, les cavaliers endormis semblent les frères d’une même famille attendant le moment de reprendre ensemble un travail interrompu : œuvre gigantesque, en effet, que cette préparation lente et continue : le labeur sourd, sans trêve, d’un million d’hommes passant graduellement de l’état de citoyens à l’état de soldats, et préparant la guerre dans la paix.

Au-dessous, dans les écuries, les chevaux, allongés sur la litière, laissent tomber leur tête alourdie en secouant parfois leurs chaînes d’attache. Le factionnaire se traîne d’intervalle en intervalle et veille sur le sommeil de ces êtres qui préparent les forces dont ils au-