— Le bourreau !… exclame-t-il avec un frisson de joie terrible.
— Pour vous servir, mon maître. Vous m’avez dit « Viens à huit heures, à l’enclos des Tuileries. Il y aura de la besogne pour toi. » Je suis venu ! Je suis prêt, maître.
Ferron essuie la sueur qui coule de son front… Puis il saisit la main du bourreau :
— Ce que je t’ai demandé tantôt… es-tu décidé à le faire ?… Tu n’hésiteras pas ?…
— Puisque vous allez me payer !…
— Il s’agit d’une femme… entends tu ?
— Homme ou femme, c’est bon ! Puisque vous me payez !…
— Tout est prêt ?… La voiture ?…
— Là ! dans l’angle de la Tuilerie…
— Bon ! halète Ferron. Tu ne mens pas ? Tu n’as pas peur ? Tu feras la chose ?
— À onze heures et demie, on m’ouvrira la porte Saint-Denis : j’y connais quelqu’un. À minuit, homme ou femme, tout sera fini !…
— Attends ici, alors ! Attends !
Ferron s’élance vers la mystérieuse et coquette maison, vers le nid d’amour…
En haut, Madeleine Ferron, avec des gestes las et languides, s’habille, sourit vaguement et songe à ce qu’elle va raconter à son mari, là-bas, dans le logis marital et calme, pour expliquer sa longue absence…
Elle sourit sans remords, sans craintes.
Car elle aime !… Follement, de toute son âme ; de tout son corps, elle aime !
Et de ses lèvres humides, de ses yeux noyés de tendresse, Madeleine Ferron sourit doucement à sa propre image que lui renvoie le grand miroir devant lequel elle s’est placée.
Tout à coup, ces lèvres se glacent…
Ce sourire se fige en un rictus d’épouvante.
Elle demeure sans voix, sans un geste.
Invinciblement ses yeux, agrandis par la terreur, s’attachent à une image que lui renvoie maintenant le miroir… l’image de l’homme qui vient d’ouvrir la porte, et blême, pareil à un spectre, s’est arrêté dans l’encadrement. L’image de son mari !… l’image de Ferron !…
Le mari est là !… Oui !… C’est bien lui !…