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LUCIUS ou L’ANE.



NOTICE.


La charmante fable intitulée Lucius ou l’Ane fit longtemps les délices de l’antiquité, et paraît même, malgré quelques peintures plus que cyniques, avoir mérité par ses attaques contre les superstitions païennes l’indulgence des Pères de l’Eglise les plus versés dans la lecture des ouvrages anciens[1]. Elle a été attribuée tantôt à Lucius de Fatras, écrivain peu connu et d’une époque incertaine, tantôt à Lucien de Samosate, le plus spirituel et le plus sceptique des Grecs, contemporain des Antonins. Quelques-uns même ont cherché à y retrouver une de ces fables milésiaques si vantées et dont la perte doit être surtout sensible à ceux qui, dans les ouvrages de l’esprit, ne voient rien au-dessus de la grâce, du naturel et du bien dire. Malheureusement cette dernière supposition est toute gratuite et ne soutient guères l’examen : rien n’est plus éloigné de la molle langueur des œuvres ioniennes que le style sobre, précis, et même un peu sec, de l’auteur de Lucius ; l’esprit même qu’on rencontre à chaque pas, quoique du meilleur aloi, décèle une littérature déjà vieillie ; l’amour des descriptions fait songer involontairement aux sophistes ; le ridicule et l’odieux versés à pleines mains sur les prêtres de la grande déesse de Syrie, nous reportent à une époque où le culte national était déjà décrié ; enfin l’habileté un peu perfide des sarcasmes jetés en passant sur tous les Dieux, le scepticisme transparent de l’auteur qui se joue de son sujet et n’y cherche qu’une occasion de s’amuser et d’amuser le lecteur, trahissent, même aux yeux les moins

  1. Elle est citée par saint Jean Chrysostôme, saint Justin martyr, saint Clément d’Alexandrie, saint Augustin, etc.