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LUCIUS.


vain, je me décidai à suivre silencieusement ma route et à faire profit des coups que je ne recevrais pas.

XVII. Cependant le jour était venu : déjà nous avions franchi nombre de montagnes ; pour nous empêcher de perdre le temps à brouter et fourrager de droite et de gauche, on nous avait mis une muselière. Dès lors, adieu les roses ; il fallut rester âne. Vers le milieu du jour, nous arrivons à une ferme occupée par des gens de la connaissance des nôtres, à en juger par leur accueil : car ils les embrassèrent, les engagèrent à se reposer chez eux, leur servirent à dîner, et nous donnèrent, à nous autres bêtes de somme, notre ration d’orge. Pendant que les autres dînaient, je me mourais de faim ; n’ayant jamais mangé d’orge crue, je cherchais de tout côté quelque chose à ma convenance. A la fin, je découvre, au fond de la cour, un jardin où s’étalaient force beaux légumes, avec des roses par-dessus. Je profite du moment où tout le monde est à dîner et je me glisse à la dérobée au potager, bien décidé à me bourrer de légumes crus, et quelque peu tenté aussi par les roses ; car je me disais qu’en mangeant les fleurs c’était chose faite, et que j’allais redevenir homme. J’entre donc au jardin et je ^le remplis de laitues, de radis, de persil, en un mot de to^s les légumes que l’homme à coutume de manger crus. Quant aux roses, ce n’étaient pas des roses vraies, mais des fleurs du laurier sauvage appelé laurier rose. Triste repas, en tout cas, pour un âne et un cheval ; car on dit que celui qui en mange liieurt aussitôt.

XVIII. Cependant le jardinier a vent de mes prouesses ; il prend un bâton et arrive au jardin. Quand il y voit l’ennemi, le fléau de ses légumes, il tombe sur moi, semblable à un féroce propriétaire qui a surpris un voleur, et me bâtonne à outrance, de çà, de là, sur les côtes, sur les cuisses ; mes pauvres oreilles mêmes, ma tête, tout est meurtri dç coups. A la fin, poussé à