tout espoir, j’échappai pour ce jour-là aux étoupes.
XXXII. Mais ie scélérat ourdit contre moi une trame beaucoup plus noire encore : il me mène à la montagne, me met sur le dos un lourd fardeau de bois, et va le vendre à un laboureur du voisinage ; puis il me ramène à la maison, complètement à vide^ sans un seul brin de bois, et se met à débiter sur mon compte à son maître les plus infâmes mensonges. << Maître, dit-il, je ne sais pourquoi nous nourrissons un âne d’une paresse, d’une fainéantise aussi insignes. Mais le voici qu’il s’avise de bien autre chose : aussitôt qu’il aperçoit une femme, une jeune fille belle et gentille, même un jeune garçon, le voilà tout aussitôt de ruer et de leur courir sus, comme un amant à la poursuite de sa maîtresse, puis de mordre, en guise de baisers, et même de tenter bien davantage. Il te fera par là quelque vilaine affaire et te vaudra quelque bon procès ; car il insulte tout le monde, il renverse tout. Tout-àl’heure je le ramenais chargé de bois, lorsqu’il aperçoit une femme qui s’en allait aux champs ; aussitôt il secoue son bois, le sème en tous sens, renverse la femme âur la route et se dispose à la traiter comme sa maîtresse. Heureusement on accourt de tous côtés et on empêche la malheureuse d’être déchirée par ce bel amoureux. »
XXXIII. « Rien de plus simple, dit le maître à ce récit ; puisqu’il ne veut ni marcher, ni travailler, puis que ce roussin a des goûts humains et qu’il lui faut des femmes, des enfants pour ses plaisirs, tuez-le ; jetez les entrailles aux chiens et gardez la chair pour les ouvriers. Si on vous demande comment il est mort, mentez, et dites que le loup l’a dévoré. Mon ânier, mon scélérat d’enfant, jubilait et voulait m’égorger tout au plus vite. Un paysan du voisinage, qui se trouva là dans le moment, me sauva la vie, mais par un conseil mille fois pire pour moi. Ne va pas, lui dit-il, tuer un âne qui peut encore moudre et porter de bons fardeaux ;