XXXV. Nos conducteurs résolurent dé s’y arrêter. Quant à nous, pauvres bêtes, on se hâta de nous mettre en vente, et le héraut, de sa voix la plus retentissante, commença à nous crier en plein marché. Aussitôt les chalands s’approchent, nous ouvrent la bouche et nous regardent aux dents, pour estimer notre âge. En somme, tous trouvèrent acheteur, moi seul excepté. Déjà le héraut avait ordonné de me reconduire à la maison, en disant : ce Vous le voyez, celui-là seul n’a point trouvé acquéreur ; » lorsque cette Némésis jalouse, qui erre en tous sens et tombe sur vous à l’improviste 1 [1] me fit aussi trouver un maître, mais tout autre que je n’aurais voulu. C’était un de ces courtiers d’infamie, un vieux barbon, de ceux qui s’en vont par les villages et les campagnes promenant la déesse de Syrie, réduite par eux au rôle de mendiante. Il m’achète, un beau prix ma foi, trente drachmes. Me voilà donc marchant, l’oreille basse, à la suite démon nouveau propriétaire.
XXXVI. Philèbe (c’était le nom de mon acheteur), en arrivant à son logis se met à crier de toute sa force : « Or ça, fillettes, je vous ai acheté un bel esclave, , vert, vigoureux, un cappadocien en vérité. » Ces fillettes n’étaient autre chose qu’une troupe de débauchés, associés de Philëbe, qui tous répondirent à son cri par un tonnerre d’applaudissements, persuadés que c’était réellement un homme qu’il leur avait acheté. Mais, quand ils virent que cet esclave était un âne, les brocards aussitôt de pleuvoir sur Philëbe. a Bon, bon ! la vieille ; ce n’est pas un esclave, mais un mari pour toi que tu as acheté ; où donc as-tu recruté cela ? Charmant mariage ! puisse-t-il te tournera bien ; donne-nous bien vite des petits semblables au père. » Et de rire aux éclats.’
XXXVII. Le lendemain, ils se mirent à l’ouvrage, c’était leur mot ; ils firent la toilette de la déesse et me
- ↑ 1 La mauvaise fortune.