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LUCIUS.


qui m’avait acheté ; puis il me confie à un jeune homme » son affranchi, pour faire mon éducation et m’enseigner toutes les gentillesses les plus capables de l’amuser. La lâche était facile ; car jamais on ne vit élève plus docile. D’abord il m’apprit à me mettre à table, comme un homme, accoudé sur un lit, à lutter avec lui corps à corps, à danser debout sur les deux pieds de derrière, à dire oui et non de la tète au commandement, et une multitude d’autres petits talents pour lesquels je n’avais guère besoin de maître. La chose fit du bruit ; on ne parlait que de l’âne du maître, de l’âne qui buvait du vin, qui luttait, qui dansait. Le plus curieux, c’est qu’à toutes les questions je répondais toujours à propos, oui ou non, d’un signe de tête. Quand je voulais à boire, j’en demandais à l’échanson en clignant de l’œil. C’était merveille de me voir, pour gens qui ne savaient pas qu’il y eût un homme caché sous cet âne. Moi, je riais sous cape de leur ignorance. On me dressait à régler mon pas, à porter le maître sur mon dos, à trotter, à courir avec l’allure la plus douce, la plus agréable pour le cavalier. J’avais des harnais magnifiques, une housse de pourpre, un mors incrusté d’or et d’argent ; au col des clochettes qui faisaient le plus délicieux carillon.

XLIX. Ménéclès, mon maître, était de Thessalonique, comme je Tai dit, et n’habitait qu’accidentellement la campagne ; il s’y trouvait alors pour les préparatifs d’un spectacle de gladiateurs qu’il avait promis à ses concitoyens : déjà les lutteurs étaient prêts, et le moment de partir arrivé. Un matin donc, nous nous mîmes en roule. Le maître me montait quand il se trouvait quelque pas difficile ou dangereux aux voitures. A notre entrée dans la ville, il n’y eut personne qui n’accourût pour me voir et m’admirer ; car ma réputation m’avait depuis longtemps précédé ; on se répétait de bouche en bouche mon habileté à me plier à tout, mon adresse dans tous les exercices humains, la


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