Page:Zo d'Axa - Les feuilles.djvu/179

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admettre que l’on agisse sans haine — à moins que ce ne soit par intérêt.

— L’assassinat commis par un voleur est odieux, disait l’un d’eux, mais je me l’explique : il tue pour se procurer de l’argent. Un acte que je ne m’explique pas c’est celui de cet Étiévant qui se rua sur des agents auxquels il ne pouvait rien prendre…

La morale bourgeoise est pratique, on ne saurait le nier (le meurtre est bon, qui profite !), c’est logique ; mais c’est d’une logique courte. D’abord parce que tout est intérêt, même les actes les plus matériellement désintéressés : on satisfait une passion. Ensuite, parce qu’on ne se rend pas compte de l’influence d’idées latentes sur les mouvements les plus apparemment spontanés. Autour du vieux monde pourri, des énergies rôdent dans l’ombre.

J’entrevois la tragique course dans la nuit :

L’homme traqué, sans argent, sans refuge — déambulant, sur le point d’être pris, songeant encore à quelque avertissement aigu, capable de crier à tous ce qu’on s’efforce d’oublier : l’opulence d’une minorité faite des privations et des larmes de la foule des sacrifiés. Souffrance, misère, du noir, du noir toujours pour les uns. Et pour les autres la vie rose, lumière et joie par la ville… Et tout à coup le falot rouge d’un poste.