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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/148

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SŒUR-DES-PAUVRES

des-Pauvres ; et les uns la nommaient ainsi, en dérision de ses mauvaises jupes ; les autres, en récompense de son bon cœur.

Sœur-des-Pauvres avait eu jadis un fin berceau de dentelle et des jouets à remplir une chambre. Puis, un matin, sa mère ne vint pas l’embrasser au lever. Comme elle pleurait de ne point la voir, on lui dit qu’une sainte du bon Dieu l’avait emmenée au paradis, ce qui sécha ses larmes. Un mois auparavant, son père était ainsi parti. La chère petite pensa qu’il venait d’appeler sa mère dans le ciel, et que, réunis tous deux, ne pouvant vivre sans leur fille, ils lui enverraient bientôt un ange pour l’emporter à son tour.

Elle ne se rappelait plus comment elle avait perdu ses jouets et son berceau. De riche demoiselle elle devint pauvre fille, cela sans que personne en parût étonné : sans doute des méchants étaient venus qui l’avaient dépouillée en honnêtes gens. Elle se souvenait seulement d’avoir vu, un matin, auprès de sa couche, son oncle Guillaume et sa tante Guillaumette. Elle eut grand’peur, parce qu’ils ne l’embrassèrent point. Guillaumette la vêtit à la hâte d’une étoffe grossière ; Guillaume, la tenant par la main, l’emmena dans la misérable cabane où elle vivait maintenant. Puis, c’était tout. Elle se sentait bien lasse chaque soir, et l’Ange de délivrance tardait à venir.

Guillaume et Guillaumette, eux aussi, avaient possédé de grandes richesses autrefois. Mais Guillaume aimait les joyeux convives, les nuits passées à boire, sans