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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

lours et de dentelle. Aussi le rencontrait-on toujours mis à la dernière mode.

Je ne saurais dire que les fermiers fussent très-enchantés du voisinage des deux amis. Mais ils avaient tant de respect pour les poings de Sidoine, tant d’amitié pour les jolis sourires de Médéric, qu’ils les laissaient vivre dans leurs champs, comme chez eux. Les enfants d’ailleurs ne mésusaient pas de l’hospitalité ; ils ne prélevaient quelques légumes que lorsqu’ils étaient las de gibier et de poisson. Avec de plus méchants caractères, ils auraient ruiné le pays en trois jours ; une simple promenade dans les blés eût suffi. Aussi leur tenait-on compte du mal qu’ils ne faisaient pas. On leur avait même de la reconnaissance pour les loups qu’ils détruisaient par centaines, et pour le grand nombre d’étrangers curieux qu’ils attiraient dans les villes d’alentour.

J’hésite à entrer en matière, avant de t’avoir conté plus au long les affaires de mes héros. Les vois-tu bien, là, devant toi ? Sidoine, haut comme une tour, vêtu de fourrures grises, et Médéric, paré de rubans et de paillettes, brillant dans l’herbe à ses pieds, comme un scarabée d’or. Te les figures-tu se promenant dans la campagne, le long des ruisseaux, soupant et dormant dans les clairières, vivant en liberté sous le ciel de Dieu ? Te dis-tu combien Sidoine était bête, avec ses gros poings, et que d’ingénieux expédients, que de fines reparties se logeaient dans la petite tête de Médéric ? Te pénètres-tu de cette idée, que leur union