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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/207

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ET DU PETIT MÉDÉRIC

en juger par celle sur laquelle nous sommes assis, — car notre siège, je te prie de le remarquer, est une pyramide de la plus belle venue, — je les croirais bâties par un peuple hospitalier, pour servir de siéges aux voyageurs fatigués, n’était le peu de commodité qu’elles offrent à un tel emploi. Je finirai par une morale. Sache, mon mignon, que trente dynasties dorment sous nos pieds ; les rois sont couchés par milliers dans le sable, emmaillotés de bandelettes, les joues fraîches, ayant encore leurs dents et leurs cheveux. On pourrait, si l’on cherchait bien, en composer une jolie collection qui offrirait un grand intérêt pour les courtisans. Le malheur est qu’on a oublié leurs noms et qu’on ne saurait les étiqueter d’une façon convenable. Ils sont tous plus morts que leurs cadavres. Si jamais tu deviens roi, songe à ces pauvres momies royales endormies au désert ; elles ont vaincu les vers cinq mille ans, et n’ont pu vivre dix siècles dans la mémoire des hommes. J’ai dit. Rien ne développe l’intelligence comme les voyages, et je compte parfaire ainsi ton éducation, en te faisant un cours pratique sur les divers sujets qui se présenteront en chemin.

Durant ce long discours, Sidoine, pour complaire à son compagnon, avait pris l’air le plus bête du monde, et note que c’était précisément là l’air qu’il fallait. Mais, à la vérité, il s’ennuyait de toute la largeur de ses mâchoires, regardant d’un œil désespéré le Nil, les sphinx, Memphis, les pyramides, s’efforçant de penser aux momies, sans grands résultats. Il cherchait