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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/267

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ET DU PETIT MÉDÉRIC

passée à placer près des fourmilières des poignées de blé, non tout à fait au bord, pour ne pas ôter aux ouvrières le plaisir du travail, mais à une courte distance, afin de ménager les pauvres membres de ces infiniment petits ; sa belle jeunesse dont elle fit une longue fête, soulageant son besoin de bonté, donnant à son cœur la continuelle joie de faire le bien, d’aider les misérables : pierrots et hannetons sauvés des mains de méchants garçons, chèvres consolées par une caresse de la perte de leurs chevreaux, bêtes domestiques nourries grassement d’os et de soupes cuites, pain émietté sur les toits, fétu de paille tendu aux insectes naufragés, bienfaits et douces paroles de toutes sortes.

Je l’ai dit, elle eut de bonne heure l’âge de raison. Ce qui d’abord avait été chez elle instinct du cœur devint bientôt jugement et règle de conduite. Ce ne fut plus seulement sa bonté naturelle qui lui fit aimer les bêtes ; ce bon sens dont nous nous servons pour dominer eut en elle ce rare résultat, de lui donner plus d’amour, en l’aidant à comprendre combien ces créatures ont besoin d’être aimées. Quand elle allait par les sentiers, avec les fillettes de son âge, elle prêchait parfois sa mission, et c’était un charmant spectacle que ce docteur aux lèvres roses, d’une naïveté grave, expliquant à ses disciples la nouvelle religion, celle qui apprend à tendre la main, dans la création, aux êtres les plus déshérités. Elle disait souvent qu’elle avait eu jadis de grandes pitiés en son-