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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

d’ici, un buisson aimé des moineaux d’alentour. J’irai y déposer votre offrande, et je vous assure qu’elle ne sera pas refusée. Demain, je reprendrai le noyau et le planterai dans quelque coin, pour les moineaux des printemps à venir.

Il prit la pêche et se remit à écrire.

— Mon mignon, dit Médéric, voilà notre aumône donnée. Pour te tranquilliser l’esprit, je veux bien te faire remarquer que nous rendons aux moineaux ce qui appartenait aux moineaux. Quant à nous, puisque l’homme ne jouit pas d’une nourriture providentielle, nous tâcherons de ne plus manger ce que le ciel nous enverra. Notre passage en ce pays a fait naître dans nos esprits de nouvelles et tristes questions. Nous les étudierons prochainement. Pour l’instant, contentons-nous de chercher le Royaume des Heureux.

Le poëte écrivait toujours, couché dans la poussière, la tête nue au soleil.

— Hé ! Monsieur, lui cria Médéric, pourriez-vous nous indiquer le Royaume des Heureux ?

— Le Royaume des Heureux ? répondit le fou en levant la tête, vous ne sauriez mieux vous adresser. Je me rends souvent dans cette contrée.

— Eh quoi ! serait-elle près d’ici ? Nous venons de battre le monde, sans pouvoir la trouver.

— Le Royaume des Heureux, Monsieur, est partout et nulle part. Ceux qui suivent les sentiers, les yeux grands ouverts, et qui le cherchent, comme un royaume de la terre, étalant au soleil ses villes et ses cam-