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SIMPLICE

Le jour pâlissait, et les lèvres des deux amants se rapprochaient de plus en plus. Une angoisse terrible tenait la forêt immobile et muette. De grands rochers d’où jaillissait la source jetaient de larges ombres sur le couple, et le couple rayonnait dans la nuit.

Et l’étoile parut, et les lèvres s’unirent dans le suprême baiser, et les chênes eurent un long sanglot. Les lèvres s’unirent, et les âmes s’envolèrent.


XI

Un homme d’esprit s’égara dans la forêt. Il était en compagnie d’un homme savant.

L’homme d’esprit faisait de profondes remarques sur l’humidité malsaine des bois, et songeait aux beaux champs de luzerne qu’on obtiendrait en coupant tous ces grands vilains arbres.

L’homme savant rêvait de se faire un nom dans les sciences en découvrant quelque plante encore inconnue. Il furetait dans tous les coins et découvrait des orties et du chiendent.

Ils arrivèrent à une source et trouvèrent le cadavre de Simplice. Le prince souriait dans le sommeil de la mort. Le flot jouait avec ses pieds, et sa tête reposait sur le gazon de la rive. Il pressait sur ses lèvres, à jamais fermées, une petite fleur blanche et rose, d’une exquise délicatesse et d’un parfum pénétrant.