Page:Zola - Fécondité.djvu/11

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Marianne, au lit encore, mais réveillée, à demi assise. Elle était allée tirer un rideau, toute la radieuse matinée de mai entrait, la baignant d’un flot de gai soleil, dans la beauté saine et fraîche de ses vingt-quatre ans. Lui, son aîné de trois ans, l’adorait.

— Tu sais, chérie, je me dépêche, j’ai peur de manquer le train… Alors, tâche de t’arranger, tu as encore trente sous, n’est-ce pas ?

Elle se mit à rire, charmante avec ses bras nus et ses admirables cheveux bruns défaits. La continuelle gêne de leur jeune ménage la laissait vaillante et joyeuse, elle mariée à dix-sept ans, lui à vingt, chargés de quatre enfants déjà.

— Puisque c’est la fin du mois aujourd’hui et que tu touches ce soir… Je payerai demain les petites dettes, à Janville. Il n’y a que les Lepailleur, pour le lait et les œufs, qui m’ennuient, car ils ont toujours l’air de croire qu’on veut les voler… Trente sous, mon chéri ! mais nous allons faire la fête !

Elle riait toujours, elle lui tendait ses bras fermes et blancs, pour l’au revoir de chaque matin.

— Pars vite, puisque tu es pressé… J’irai ce soir t’attendre au petit pont.

— Non, non, je veux que tu te couches ! Tu sais bien qu’aujourd’hui, encore si je ne manque pas le train de onze heures moins un quart, je ne serai à Janville qu’à onze heures et demie… Oh ! quelle journée ! J’ai dû promettre aux Morange de déjeuner chez eux, et ce soir Beauchêne traite un client, un dîner d’affaires, auquel il faut que j’assiste… Couche-toi et fais un beau dodo, en m’attendant.

Elle hocha gentiment la tête, ne s’engageant à rien.

— Et n’oublie pas, reprit-elle, de passer chez le propriétaire lui dire qu’il pleut dans la chambre des enfants. Ce Séguin du Hordel, riche à millions, a beau ne nous