Page:Zola - Fécondité.djvu/118

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— Mais non, gros bête, tu ne m’as pas fait du mal  ! J’ai eu peur seulement. Tu vois bien que je ris.

Il la regarda, elle lui apparut d’une splendeur de beauté incomparable. Dans la nappe de clair soleil qui dorait le lit, elle rayonnait elle-même de santé, de force et d’espoir. Jamais ses lourds cheveux bruns n’avaient coulé de sa nuque si puissamment, jamais ses grands yeux n’avaient souri d’une gaieté plus vaillante. Et, avec son visage de bonté et d’amour, d’une correction si saine, si solide, elle était la fécondité elle-même, la bonne déesse aux chairs éclatantes, au corps parfait, d’une noblesse souveraine.

Une vénération l’envahit, il l’adora, comme un dévot mis en présence de son Dieu, au seuil du mystère.

— Que tu es belle, que tu es bonne, et que je t’aime, chère femme  !

Il découvrit le ventre, d’un geste religieux. Il le contempla, si blanc, d’une soie si fine, arrondi et soulevé comme un dôme sacré, d’où allait sortir un monde. Il se pencha, le baisa saintement, en mettant dans ce baiser toute sa tendresse, toute sa foi, toute son espérance. Puis, il resta un instant, ainsi qu’un fidèle en prière, posant sa bouche avec légèreté, plein d’une prudence délicate.

— Est-ce là, chère femme, que tu souffres  ? … Est-ce là  ? … Est-ce là  ? … Ah  ! que je voudrais savoir et pouvoir te guérir  !

Mais il se releva, pâle et frémissant, ayant senti brusquement un petit choc contre sa bouche. Elle s’était remise à rire, elle le reprit, l’attira, lui coucha la tête près de la sienne, sur l’oreiller. Puis, tout bas, les lèvres à son oreille  :

— Hein  ? tu l’as senti, il t’a fait peur, gros bête  ! Ah  ! mais, c’est qu’il gigote fort maintenant, il commence à taper pour sortir… Alors, dis-moi, qu’est-ce qu’il t’a dit  ?

— Il m’a dit que tu m’aimes comme je t’aime, et que