Page:Zola - Fécondité.djvu/181

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Puis, un aveu involontaire lui échappa, lorsqu’il comprit, sur un mot de Mathieu, qu’il s’agissait de placer Norine.

« Justement, ma femme me parlait de Mme Bourdieu, ce matin… Oui, je ne sais plus comment cela est venu. Vous comprenez, il y a si longtemps, nous ne pouvons pas donner des renseignements précis. Mais il paraît qu’elle a très bien fait son affaire et qu’elle est à la tête, aujourd’hui, d’une excellente maison… Voyez vous, vous trouverez sans doute là ce qu’il vous faut. »

Mathieu suivit ce conseil. Pourtant, comme on l’avait averti que la pension était chère, chez Mme Bourdieu, il revint sur ses préventions et se rendit d’abord dans le bas de la rue du Rocher, pour se renseigner directement au sujet de Mme Rouche. Le seul aspect de la maison le glaça : une maison noire du vieux Paris, à l’endroit où dévale en pente raide, et dont l’allée obscure et puante conduisait à une étroite cour, sur laquelle donnaient les quelques pièces misérables occupées par la sage-femme. Cela sentait l’égout et le crime. Au-dessus de l’allée, un louche écriteau, une enseigne jaune portait simplement en grosses lettres le nom de Mme Rouche. Quand il eut sonné, une bonne au tablier sale l’introduisit dans un petit salon d’hôtel meublé, empoisonné d’une odeur de cuisine ; et tout de suite il se trouva en présence d’une dame de trente-cinq ou trente-six ans, vêtue de noir, personne sèche, au teint de plomb, aux rares cheveux incolores, dont le grand nez tenait tout le visage. Avec sa parole lente et basse, ses gestes de chatte prudente, son continuel sourire de miel gâté, elle lui donna l’impression d’une terrible femme, l’étouffement sans violence, le coup de pouce silencieux rejetant au néant la vie qui n’est pas encore. D’ailleurs, elle lui dit qu’elle prenait seulement des pensionnaires huit ou dix jours avant les couches, n’ayant pas l’installation