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Page:Zola - Fécondité.djvu/186

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pauvre mobilier dépareillé d’hôtel garni. Mais les deux fenêtres, qui donnaient sur le grand mur gris, derrière lequel se trouvait la caserne, laissaient entrer en ce moment un clair soleil, dont les nappes glissaient entre deux hautes maisons voisines.

— « Oui, ce n’est pas triste », murmura-t-il.

Il s’était retourné vers le lit du fond, et il se tut, en apercevant debout, devant ce lit, une longue figure noire, qu’il n’avait pas remarquée d’abord. C’était une grande fille sans âge, sèche, maigre, au visage sévère, avec des yeux éteints et une bouche pâle. Elle n’avait ni hanches, ni poitrine, la taille plate, telle une planche à peine équarrie. Et elle achevait de serrer les courroies d’une valise posée sur le lit défait, à côté d’un petit sac de voyage.

Puis, comme elle se dirigeait vers la porte, sans même regarder le visiteur, Norine l’arrêta.

— « Alors, c’est fait, vous descendez régler ? »

Elle parut réfléchir, avant de comprendre ; et, tranquillement, avec un fort accent anglais :

— « Yes, régler ».

— Mais vous allez remonter, n’est-ce pas ? On pourra vous dire adieu.

— « Yes, yes. »

Quand elle ne fut plus là, Norine expliqua qu’elle s’appelait Amy qu’elle entendait un peu le français, mais qu’elle en disait à peine quelques mots. Et elle aurait conté toute l’histoire, si Mathieu ne s’était assis près d’elle, en l’interrompant.

— « Enfin, vous, je vois que tout va bien et que vous êtes contente.

— Oh ! pour sûr, très contente. Jamais je n’ai été à pareille fête, nourrie et soignée, dorlotée du matin au soir à ne rien faire. Vous savez, je ne demande qu’une chose, c’est que ça dure le plus longtemps possible. »