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Page:Zola - Fécondité.djvu/190

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cette belle fille grasse et fraîche, d’un air d’inquiétude pudique.

— « Yes, bon, bon… Vous aussi…

— Et pensez à nous, au revoir, n’est-ce pas ? » ajouta étourdiment Victoire, après lui avoir donné deux gros baisers, à pleine bouche.

Cette fois, Amy eut un pâle sourire, sans répondre un mot. Puis, elle ne se retourna même pas, elle sortit de son pas calme et résolu, derrière la petite bonne ahurie, qui s’écriait :

— « Suis-je bête ! Moi qui venais surtout pour vous dire que Mlle Rosine veut vous faire ses adieux ! Vite, vite, suivez-moi ! »

Dès qu’elle se retrouva seule avec Mathieu, Norine après avoir remonté de son joli geste décent, le drap qui avait glissé, dans les embrassades, reprit ses histoires.

— « Quant à l’aventure de Mlle Rosine dont je vous ai parlé, et que je tiens d’une confidence de Victoire, elle n’est vraiment pas drôle… Imaginez-vous qu’elle est la fille d’un très riche bijoutier. Naturellement, nous ne savons pas le nom, ni même le quartier où est le magasin. Elle vient d’avoir dix-huit ans, elle a un frère de quinze ans, et le père est un homme de quarante-quatre ans. Je vous dis les âges, vous verrez pourquoi tout à l’heure… Voilà donc le bijoutier qui perd sa femme, et vous ne savez pas comment il arrange les choses pour la remplacer ? Deux mois après l’enterrement, il va trouver un beau soir sa fille Rosine, il couche tranquillement avec. Hein ? c’est raide tout de même ! Ça n’est pas rare chez les pauvres gens, j’en sais plus d’une de Grenelle qui passe par là. Mais, chez des bourgeois, des gens qui ont de l’argent pour se payer toutes les femmes qu’ils veulent ! Et ce qui me suffoque surtout, moi, ce n’est pas que les pères demandent ça, c’est que les filles y consentent… Maintenant, Mlle Rosine est si douce, si aimable,