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Page:Zola - Fécondité.djvu/236

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figure, encore si molle, si muette, leur disait tant de choses, que personne n’aurait entendues ! Ils s’y retrouvaient comme fondus ensemble, ils y découvraient des ressemblances extraordinaires, qui leur faisaient agiter pendant des heures, des journées, la question de savoir auquel des deux il ressemblait le plus. Chacun d’eux, d’ailleurs, s’entêtait, déclarait qu’il était tout le portrait de l’autre.

Naturellement, dès qu’il eut les yeux ouverts, M. Gervais se mit à pousser des cris perçants. Mais Marianne était impitoyable : le bain avant tout, et la tétée ensuite. Zoé monta un broc d’eau chaude, puis prépara la petite baignoire, devant la fenêtre, au soleil. Et ce fut Mathieu qui s’obstina, baigna l’enfant, le lava pendant trois minutes à l’aide d’une éponge fine, tandis que Marianne, de son lit, dirigeait l’opération, en plaisantant la délicatesse exagérée qu’il y mettait, comme s’il avait tenu quelque dieu naissant, fragile et sacré, que ses gros doigts d’homme craignaient de meurtrir. Du reste, ils continuaient à s’émerveiller ensemble de l’adorable scène. Était-il joli dans l’eau, scintillante de soleil, avec sa chair rose ! Était-il sage aussi, car c’était un prodige de le voir tout d’un coup se taire et témoigner une satisfaction béate, dès qu’il sentait la caresse enveloppante de l’eau tiède ! Jamais père ni mère n’avaient eu un pareil trésor.

« Maintenant, dit Mathieu, lorsque Zoé l’eut aidé à l’essuyer avec un linge fin, on va peser M. Gervais. »

C’était là une opération compliquée, que rendait difficile la répugnance profonde que l’enfant témoignait pour elle. Il se débattait, se remuait dans le plateau, si bien qu’il devenait impossible d’avoir le poids juste, de façon à établir exactement les différences des pesées, qui accusaient une augmentation variant de cent quatre-vingts à deux cents grammes, d’une semaine à l’autre. Le père,