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Page:Zola - Fécondité.djvu/238

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jours, comme tous les nouveau-nés, le voilà qui poussait, qui grandissait en bonne et solide plante humaine ! Ils le voyaient déjà marcher, et beau, et fort. Assise sur son séant, la mère l’emmaillota largement, de ses mains expertes, plaisantant, répondant à chacun de ses cris :

« Oui, oui, je sais, nous avons très faim, très faim… Ça va venir, la soupe est au feu, on va la servir à monsieur toute chaude. »

Elle avait fait, dès son réveil, une grande toilette de dimanche, ses cheveux superbes relevés très haut, en un énorme chignon qui dégageait la blancheur de son cou, simplement vêtue d’une belle camisole de flanelle blanche, ornée d’une dentelle, ne laissant voir qu’un peu de ses bras nus. Et, le dos appuyé contre deux oreillers, elle continua de rire, elle sortit de la camisole l’un de ses petits seins durs de guerrière, que le lait gonflait maintenant, épanoui comme une grande fleur de vie, blanche et rose ; tandis que l’enfant goulu, ne voyant pas encore, promenait les mains, tâtonnait des lèvres. Lorsqu’il eut trouvé, il téta violemment, buvant toute la mère, jusqu’au meilleur de son sang.

Elle jeta un léger cri de souffrance, au milieu de son beau rire.

« Ah ! le petit diable, il me mange, il vient de rouvrir ma crevasse ! »

Puis, comme Mathieu allait tirer un rideau, en remarquant qu’ils étaient inondés de soleil :

« Non, non, laisse-nous donc le soleil ! reprit-elle. Ça ne nous gêne pas, ça nous met tout le printemps dans les veines. »

Il revint, il s’oublia, dans le ravissement du spectacle. L’astre déroulait sa gamme, la vie flambait là, en une floraison de santé et de beauté. Il n’était pas d’épanouissement plus glorieux, de symbole plus sacré de l’éternité