Page:Zola - Fécondité.djvu/25

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quatre enfants ; et j’accorde que celles-là sont bien coupables, quand elles ne les ont point… Mais moi, mon cher, moi, je ne peux pas ! vous savez bien que, dans ma situation, je ne peux absolument pas !

Et il exposa pour la centième fois ses raisons, il raconta comment l’usine avait failli être dépecée, anéantie, parce qu’il avait eu l’ennui d’avoir une sœur. Sérafine s’était conduite abominablement : la dot d’abord, puis le partage exigé, à la mort de leur père, l’usine sauvée par un sacrifice d’argent considérable, qui en avait compromis longtemps la prospérité. Et l’on s’imaginait qu’il allait recommencer l’imprudence de son père, courir le risque de donner un frère ou une sœur à son petit Maurice, pour que celui-ci se retrouvât dans l’embarras mortel où le patrimoine aurait pu sombrer ! Non, non ! il ne l’exposerait pas à un partage, puisque la loi était mal faite. Il le voulait maître unique de cette fortune qu’il tenait de son père, et que lui-même lui transmettrait décuplée. Il rêvait pour lui la suprême richesse, la colossale fortune qui, seule aujourd’hui, assure le pouvoir.

Constance, qui n’avait pas lâché la main de l’enfant, au pâle visage, s’était remise à le contempler avec une passion d’orgueil extraordinaire, cet orgueil de la fortune chez l’industriel et le financier, aussi âpre et combattif que l’orgueil du nom chez l’ancien noble. Lui seul, et pour qu’il fût roi, un de ces princes de l’industrie, maîtres du monde nouveau !

— Va, mon mignon, sois tranquille, tu n’auras ni frère ni sœur, nous sommes bien d’accord là-dessus. Et, si le papa s’oubliait, la maman est là qui veillerait.

Ce mot rendit toute sa grosse gaieté à Beauchêne. Il savait sa femme plus têtue que lui, plus résolue à limiter la famille. Lui, brutal et joyeux, décidé à se faire la vie bonne, fraudait assez maladroitement dans l’alcôve conjugale, allait au dehors pour le reste ; et peut-être le