Page:Zola - Fécondité.djvu/258

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les avait envoyées aux nouvelles, en les chargeant de porter à leur aînée en couches trois grosses oranges, qui luisaient sur la table de nuit. Les deux fillettes étaient venues à pied, heureuses de la longue course, intéressées par la rue, regardant les boutiques. Maintenant cette belle maison où elles trouvaient leur grande sœur couchée les ravissait ; sans compter que l’enfant encore là, cette poupée vivante sous son rideau de mousseline, les avait emplies d’une curiosité ardente.

« Alors, ça s’est bien passé, c’est fini ? demanda Mathieu.

— Oh, tout à fait. Je me lève un peu depuis cinq jours, et, prochainement, je m’en irai… Pas plus volontiers que ça, vous savez, car je me suis joliment dorlotée ici, mon bon temps tire à sa fin… N’est-ce pas, Victoire, que ce n’est pas dans la rue que nous allons retrouver un si bon matelas ni de la si bonne nourriture ? »

Mathieu, alors, reconnut Victoire, la petite bonne, qui, assise près de son lit, raccommodait du linge. Accouchée huit jours avant Norine, elle était debout déjà, et devait quitter la maison le lendemain. En attendant, elle travaillait un peu, pour le compte de Rosine, la demoiselle riche, l’incestueuse candide dont le père avait abusé, et qui, accouchée seulement la veille, occupait encore la chambre d’à côté, où elle était seule. Dans la chambre aux trois lits, moins belle, mais égayée de soleil, Norine et Victoire n’avaient plus eu de compagne, depuis qu’Amy, délivrée, s’en était retournée chez elle, par le bateau.

La petite bonne, cessant de coudre, avait levé la tête.

« Bien sûr qu’on ne va plus traîner au lit et qu’on n’aura plus son lait chaud, le matin, avant de se lever. Mais, tout de même, ce n’est pas si drôle de voir toujours ce grand mur gris, en face. On ne peut pas passer sa vie à ne rien faire. »