Page:Zola - Fécondité.djvu/272

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Rochereau, avant d’arriver à l’ancien boulevard extérieur. Un grand mur gris s’étendait, une froide façade de maison administrative ; et ce fut au bout de ce mur que la Couteau entra, avec l’enfant, par une petite porte nue et simple, d’une paix bourgeoise. Mathieu l’avait suivie. Mais il n’insista pas pour l’accompagner dans le bureau redoutable, où une dame recevait les enfants, trop ému, craignant les questions, comme s’il était là le complice d’un crime. La meneuse eut beau lui dire que la dame ne lui demanderait rien, que le secret le plus strict était gardé, il préféra s’arrêter dans une antichambre qui ouvrait sur plusieurs compartiments clos, où l’on parquait, pour qu’elles y attendissent leur tour, les personnes qui venaient déposer des enfants. Et il la regarda disparaître, emportant le petit, toujours très sage, avec ses yeux troubles, grands ouverts.

L’attente, qui ne dut pourtant pas dépasser une vingtaine de minutes, lui sembla terriblement longue. Une paix morte régnait dans cette antichambre lambrissée de chêne, sévère, triste, et qui sentait l’hôpital. Il n’entendait qu’un vagissement sourd de nouveau-né, que couvraient par moments de gros sanglots contenus, peut-être ceux d’une mère en train d’attendre, au fond d’un compartiment voisin. Et ses souvenirs le reportaient à l’ancien tour, à la boîte ronde tournant dans le mur : la mère arrivait en se cachant, enfournait l’enfant, donnait un coup de sonnette, puis se sauvait. Lui, trop jeune, ne l’avait vu fonctionner que dans un mélodrame de la Porte-Saint-Martin. Mais que d’histoires il évoquait, les bourriches de pauvres êtres amenés de province et déposés par le voiturier, les enfants de duchesse que des hommes furtifs venaient jeter à l’oubli, les files de tristes ouvrières se débarrassant dans l’ombre du fruit de la séduction ! Combien les choses paraissaient changées, le tour supprimé, le dépôt forcé de se faire ouvertement, et cette