Page:Zola - Fécondité.djvu/288

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cuisine, la pestilence du lait aigri, des maillots mal tenus, de tout le linge sale de ces campagnardes, aux dessous empoisonnés.

Mais, comme Boutan poussait la porte du bureau, il trouva Mme  Broquette en affaire, déballant devant un vieux monsieur assis tout un lot de nourrices. Elle reconnut le docteur, elle eut un geste de désolation.

« Non, non ! faites, dit-il en l’arrêtant. Je ne suis pas pressé, nous allons attendre. »

Par la porte ouverte, Mathieu venait d’apercevoir Herminie, la fille de la maison, au fond d’un des fauteuils de velours rouge, près de la fenêtre, rêveusement enfoncée dans la lecture d’un roman, tandis que sa mère, debout, vantait la marchandise de son air digne, menait le défilé des nourrices devant le vieux monsieur, qui, muet, semblait ne pouvoir se décider.

« Allons voir le jardin », dit le docteur en riant.

C’était en effet, dans les prospectus, une des prétentions de l’établissement, d’avoir un jardin, du bon air, un arbre même, enfin la campagne. Ils ouvrirent la porte vitrée, et trouvèrent sur un banc, près de l’arbre, une grosse fille, débarquée sans doute à l’instant même, qui essuyait le derrière de son enfant avec un morceau de journal. Elle était elle-même sordide, échouée là, sans s’être débarbouillée encore. Dans un coin, la cuisine débordait, une débâcle de terrines fêlées, de vieux ustensiles gras ou mangés de rouille. À l’autre bout, ouvrait, par une porte-fenêtre, la salle d’attente réservée aux nourrices ; et, là aussi, se déversait un cloaque, des haillons pendus, des couches souillées, traînant et séchant. C’étaient les uniques fleurs de ce coin de nature.

Mais, brusquement M. Broquette se précipita, sans qu’on put savoir au juste d’où il sortait. Il venait d’apercevoir Boutan, un client à ménager.

« Mme  Broquette est donc en affaire ?… Jamais je