Page:Zola - Fécondité.djvu/337

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travail de la semaine. Ils vivaient là très simplement, installés en paysans véritables, sans luxe aucun, sans autre distraction que la joie d’être ensemble. Toute la cuisine joyeuse et flambante respirait cette facile vie primitive, que l’on vit près de la terre, guéri dès lors des nécessités factices, des ambitions et des plaisirs. Et aucune fortune, aucune puissance n’aurait pu payer la douceur d’un si calme après-midi d’intimité heureuses pendant que le dernier-né dormait son bon sommeil sans qu’on entendît même le petit souffle de ses lèvres.

Beauchêne et Séguin firent une invasion de chasseurs malchanceux, les jambes lasses, la face et les mains gelées. Au milieu des exclamations de surprise qui les accueillaient, ils pestèrent contre la fâcheuse idée qu’ils avaient eue de se hasarder hors de Paris, par un temps pareil.

« Imaginez-vous, mon cher, dit Beauchêne, que nous n’avons pas vu un canard. Sans doute, il fait trop froid pour eux. Et vous ne vous doutez pas du vent glacé qui souffle là-haut, sur le plateau, au milieu de ces mares et de ces broussailles hérissées de givre… Ma foi, nous avons lâché la chasse. Vous allez nous donner un verre de vin chaud, et nous rentrons bien vite à Paris. »

Séguin, plus maussade encore, se dégourdissait devant le feu ; et, tandis que Marianne s’empressait à faire chauffer du vin, il parla des champs défrichés, dont il venait de longer le vaste espace nu. Mais, sous la couche de glace où ils dormaient, raidis, gardant l’inconnu de la semence, il n’avait rien vu, rien compris, inquiet d’une affaire qui se présentait si mal, ayant peur déjà de n’être pas payé. Aussi se permit-il d’être ironique.

« Dites donc, mon cher, je crains bien que vous n’ayez perdu votre temps et votre peine, là-haut. J’ai aperçu ça en passant, ça ne m’a pas fait bon effet. Comment pouvez-vous nourrir l’espoir de récolter quelque chose, dans un