Page:Zola - Fécondité.djvu/350

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serait là comme son pardon, la seule joie qu’il pouvait espérer encore. Et cela n’allait plus déjà sans une sorte de jalousie, à l’idée qu’un mari, un jour, la lui prendrait, et qu’il resterait seul, dans sa noire solitude, seul avec l’ombre de la morte.

« Oh ! la marier, murmura-t-il, pas encore ! Elle n’a que quatorze ans. »

Tout le monde se récria, on lui en aurait donne dix-huit, tellement elle était forte, formée, d’une beauté de femme. Et c’était vrai, il se dégageait d’elle, de ses épais cheveux bruns, de sa peau fraîche et ambrée, une odeur d’amour précoce, de même que l’ardeur dont sa mère avait brûlé pour le plaisir et le luxe, s’accentuait encore chez elle, se trahissait, jusque dans ses jeux, par le don entier de sa personne, tout un emportement de gestes et de cris.

« La vérité est, reprit le père, flatté dans sa passion, qu’on me l’a déjà demandée en mariage. Vous savez que la baronne de Lowicz veut bien la venir prendre parfois, pour la promener un peu, et elle m’a conté qu’un étranger archimillionnaire en était tombé amoureux fou… Qu’il attende ! J’ai encore cinq ou six bonnes années à la garder pour moi. »

Et il ne pleurait plus, il eut un petit rire de satisfaction égoïste sans remarquer le froid que venait de jeter le nom de Sérafine, Beauchêne lui-même trouvant sa sœur compromettante, d’une société peu convenable pour une jeune fille.

Marianne, inquiète de voir tomber la conversation, questionna Valentine, tandis que, sournoisement, Gervais s’installait enfin sur ses genoux.

« Pourquoi donc n’avez-vous pas amené votre chère petite Andrée ? J’aurais été si heureuse de l’embrasser. Et puis, elle aurait joué avec ce petit monsieur, qui, vous le voyez, ne me laisse pas une minute de paix. »