Page:Zola - Fécondité.djvu/354

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Étonnés de ce qu’ils venaient de faire, n’ayant pas voulu le faire, Mathieu et Marianne demeurèrent un moment interdits, se regardant avec consternation. Et puis, ils éclatèrent d’un bon rire, ils s’excusèrent gaiement. Aimer, aimer ! pouvoir aimer ! c’est toute la santé, c’est tout vouloir et tout pouvoir !

« Alors, reprit Beauchêne goguenard, au sixième maintenant ! C’est pour cette nuit, le sixième ! »

Gervais était allé, de sa marche encore chancelante, retrouver les trois grands frères et la grande sœur, qui menaient le jeu des autres enfants, d’un terrible galop, au travers du jardin ensoleillé.

« Mais certainement, au sixième ! » dit Mathieu, tandis que Marianne, d’un tendre signe de tête, consentait.

Et il répéta, avec son geste large, qui désignait le vaste champ là-bas, roulant sous la brise la prochaine et débordante moisson : « Au sixième, puisque voilà de quoi le nourrir ! »

C’était le cri de l’homme d’énergie et de volonté, qui se promettait de ne plus mettre au monde un enfant, sans créer en même temps sa part de subsistances. Cela lui semblait honnête, sa conscience avait retrouvé sa belle sérénité, grâce à cette solution de ne pas jeter des parasites par le monde. À mesure que la famille croîtrait le domaine s’élargirait, conquérant de nouveaux champs fertiles sur les marais, sur les ronces et sur les pierres. Et la terre et la femme achèveraient ensemble l’œuvre de création, victorieuses des pires déchets, allant toujours à plus de vie, à plus de richesse et de force.