Page:Zola - Fécondité.djvu/362

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rendre service à ces pauvres gens, Cécile, une des sœurs cadettes, qui vient d’entrer dans sa dix-septième année ; mais je crains bien qu’elle ne puisse faire notre besogne, car la moindre fatigue la force à garder le lit. Aujourd’hui, ces filles du peuple sont névrosées, déséquilibrées comme des duchesses. Il y a, décidément, des pères et des mères qui n’ont guère de bonheur, avec leurs nombreux enfants, et cela m’attriste, parce que, sans tenir compte des funestes conditions sociales, ni des mauvais cas individuels, vous en abusez pour triompher contre moi, vous tous qui limitez la famille, quand vous ne l’anéantissez pas. »

Elle se remit à rire gaiement, oubliant ses maux. Et, comme la voiture s’arrêtait :

« Nous sommes à la gare, déjà ! Moi qui avais encore tant de choses à vous conter !… Enfin, vous ne vous doutez pas combien je suis heureuse d’avoir fait ma paix avec vous. C’était si bête, que vous sembliez trembler devant moi, comme si vous me jugiez incapable de vous aimer de bonne amitié ! Je vous assure que ça me repose, et que me voilà ravie d’avoir un confident, oui ! un confident à qui je pourrai tout dire… Allons ! une bonne poignée de main, en camarades ! »

Ils se serrèrent la main, il regarda s’éloigner la voiture, très surpris de cette Sérafine qu’il n’avait pas soupçonnée, tourmentée de la sorte, sur le tard, d’un besoin de confession. Peut-être, en choisissant un ancien amant, trouvait-elle une sensation nouvelle à son déshabillage moral. Et à quelle vie de suprêmes secousses allait-elle encore, dans son désir d’assouvissement impuni et sans fin !

Mainfroy, le médecin de quartier, était un grand garçon de trente ans, mince et correct, la figure poupine et sérieuse. Toujours en redingote, il commençait une de ces clientèles de femmes qui assurent à certains docteurs