ménage, rue Caroline, à Grenelle, dans une grande pièce qui servait de cuisine, de salle à manger et de chambre à coucher. Il y avait aussi un étroit cabinet noir, que plus tard, lorsque trois enfants eurent poussé, au bout de quatre ans à peine, on utilisa, en y mettant le lit des deux aînées des jumelles. Le berceau du cadet, un garçon, dut rester au pied du lit des parents. Et Euphrasie, qui avait quitté l’usine trop occupée chez elle par ce petit monde, accomplissait là des miracles de propreté, régnait en reine absolue, terrible et obéie de tous, lorsque des douleurs affreuses, à la suite de ses dernières couches l’avaient comme paralysée. Elle s’était sans doute remise trop tôt à la besogne, elle lutta longtemps, elle désola son mari, qui tremblait devant cette sauterelle rousse, tout gros gaillard qu’il était, tellement elle l’avait conquis, dominé sous les éclats de son exécrable caractère. Enfin, elle avait consenti à partir pour l’hôpital ; et c’était ainsi qu’elle revenait de la clinique de Gaude opérée, guérie, disait-on. Depuis quinze jours, les journaux parlaient de ce dernier triomphe du célèbre chirurgien, contant l’histoire touchante de cette jeune ouvrière mariée, honnête, atteinte d’un effroyable mal, et sauvée de la mort certaine, et rendue à son mari, à ses enfants, plus saine, plus vigoureuse que jamais. C’était le chef-d’œuvre, l’exemple décisif donné aux dames que tenterait l’opération.
Le matin où, vers onze heures, Sérafine vint chez les Bénard, désireuse de se renseigner, elle tomba justement sur toute la famille. Bénard, dont le chantier se trouvait dans le voisinage était là, mangeant une soupe, sur un coin de la table ; tandis que debout, Euphrasie donnait un coup de balai, en criant contre les trois mioches, qui faisaient toujours des ordures. Et même la mère Moineaud, montée un instant pour prendre des nouvelles de sa fille, se tenait au bord d’une chaise, les mains sous