Page:Zola - Fécondité.djvu/386

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fréquenté, n’étant guère utilisé que par des piétons, des gens du quartier, des Parisiens rompus aux détours de la grande ville ; et lui-même ne se souvenait pas d’avoir passé là depuis des années. Curieusement, il regardait ce coin oublié du vieux Paris, l’humide ruelle qui reste noire, même par les jours ensoleillés, les maisons pauvres, aux façades mangées de lèpre, aux étroites boutiques obscures, toute cette misère nauséabonde, pourrissant de vieillesse, lorsque, brusquement, une rencontre imprévue le stupéfia. Comme il s’étonnait de trouver là, les roues dans le ruisseau, stationnant, un coupé de maître, luxueusement attelé, il vit sortir deux femmes de la plus immonde des maisons, qui, vivement, montèrent, disparurent, et il reconnut malgré les voilettes, Sérafine accompagnée de Reine. Un instant il hésita pour Sérafine, ne l’ayant pas revue depuis des mois, tellement elle lui parut singulière, changée, mais il ne pouvait se tromper pour Reine, dont l’aimable visage, si doux, si gai, s’était tourné vers lui, sans l’apercevoir. Le coupé se perdait déjà parmi les voitures, dont le flot emplissait la rue Saint-Lazare, qu’il était encore à la même place, figé, étourdi. Eh quoi ! cette jolie fille que son père croyait dans un château, près d’Orléans, n’avait donc pas quitté Paris ? Et c’était là, au fond d’un pareil bouge, que la baronne l’amenait, d’un air furtif, au lieu de la promener sous les arbres séculaires de quelque grand parc ? Son cœur s’était serré affreusement, en soupçonnant de terribles histoires. Il regardait la maison à deux étages, basse, louche, souillée de misère, suant l’ignominie. Sans doute une maison de rendez-vous, mais combien honteuse, et pour quelles débauches inavouables ! Puis, la tentation de savoir fut trop forte, il se risqua le long d’une allée sombre et fétide, il arriva jusqu’à une cour verdâtre comme un fond de citerne, n’ayant pas trouvé de concierge à qui s’adresser. Pas une