Page:Zola - Fécondité.djvu/413

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mangées de poussière. Dans son éternel ennui d’étroit cerveau, que seul dévorait le besoin de se mettre en vue, d’exagérer la folie du moment, Séguin, renonçant à sa pose d’amateur d’arts qui l’amusait si peu, avait d’abord affecté une passion extravagante pour les sports nouveaux, les débauches de vitesse, puis en étais revenu à son unique tendresse vraie, le cheval. Il avait voulu avoir une écurie, ce qui activait sa ruine, tant il y mettait d’outrance vaniteuse. Cette grosse fortune que les maîtresses et le jeu avaient entamée, les chevaux l’achevaient. On disait maintenant qu’il jouait à la Bourse, pour réparer les brèches, cédant aussi au stupide orgueil d’affecter une attitude d’homme puissant, que des ministres renseignaient. Et, à mesure que s’aggravaient ses pertes, sous la menace de l’effondrement prochain, il ne restait du bel esprit, du moraliste, discutant sans fin avec Santerre de littérature et de philosophie sociale, que l’impuissant amer, que le pessimiste par mode, pris à son piège, ayant gâché sa propre existence, au point de n’être plus, dans sa haine peu à peu réelle, exaspérée de la vie, qu’un artisan de corruption et de mort.

Comme Mathieu finissait de faire à petits pas le tour de la pièce, une grande et belle fille blonde entra, âgée de vingt-cinq ans à peine, vêtue d’une robe de soie noire, qu’elle portait avec une élégante simplicité. Elle eut un léger cri, en fouillant les coins du regard.

« Tiens ! je croyais que les enfants étaient là ! »

Et, souriant au visiteur, elle entra quand même, elle affecta de venir ranger les papiers sur la table qui servait de bureau à Séguin, d’un air de maîtresse de maison qui veut, devant le monde, affirmer ses droits de surveillance et de contrôle.

Mathieu la connaissait, pour la voir ainsi, depuis un an, s’installer, commander, tandis que Valentine montrait de plus en plus le dégoût des soucis du ménage.