passion, qu’elle n’avait jamais eue comme épouse. C’était ainsi qu’elle donnait maintenant sa vie entière à son adoré Maurice, qu’elle faisait de lui un dieu, lui sacrifiant jusqu’à sa juste rancune. Elle avait décidé qu’il ne devait pas souffrir de l’indignité de son père, et il était pour beaucoup dans cette fière attitude qu’elle gardait, avec une extraordinaire force d’âme, ayant l’air de tout ignorer, n’adressant jamais un reproche à son mari, demeurant pour lui devant le monde la femme respectueuse qu’elle avait toujours été. Même, en tête à tête, et jusque dans l’alcôve, elle se taisait, elle évitait les explications, les querelles. La bourgeoise prude, l’honnête femme, loin de songer à un amant, à une vengeance possible, semblait au contraire, en haine des débordements de l’homme, s’être fixée plus étroitement au foyer, serrée contre son fils, protégée par lui autant que par sa rigidité de cœur et de chair. Et, blessée, répugnée, cachant son mépris, elle attendait le triomphe de ce fils qui purifierait, qui sauverait la maison, d’une foi ardente en sa force, toute surprise et inquiète les jours où, brusquement, sans cause raisonnable, le petit frisson venu de l’inconnu la glaçait, lui donnait le remords de quelque faute ancienne, dont elle ne se souvenait pas.
Ce fut Constance qui, la première, revint aux confidences que Mme Angelin lui avait faites. Elle se montra très intéressée, très apitoyée. Puis, comme la triste inféconde, que son désir d’un enfant affolait, lui avouait que chacune de ses visites à la sage-femme était une désespérance de plus, elle parut chercher quelque consolation, elle s’offrit affectueusement.
« Me permettez-vous, chère amie, de vous accompagner un jour ? Peut-être me dira-t-elle ce qu’elle n’ose vous dire. »
Surprise, Mme Angelin eut un geste las de refus.