Page:Zola - Fécondité.djvu/446

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de trouver le peu d’argent qui lui permettrait de s’installer dans une chambre, où elle serait si tranquille, si heureuse de n’être pas bousculée. Mathieu projetait de lui faire une bonne surprise, en lui donnant un beau jour ce peu d’argent nécessaire.

« Où allez-vous donc si vite ? » lui demanda-t-il gaiement.

Elle restait un peu saisie de la rencontre, et, gênée, elle répondit d’abord d’une façon évasive.

« Je vais là, rue de Miromesnil, pour une visite. »

Puis, le voyant d’une bonté toujours prête à la secourir, elle lui dit bientôt toute la vérité. Cette pauvre Norine, sa sœur, venait d’accoucher une troisième fois, chez Mme  Bourdieu : encore une lamentable histoire, cette troisième grossesse tombant dans une vie de noce, lorsqu’elle était avec un monsieur très bien, qui lui avait meublé une jolie chambre, et, comme le monsieur très bien avait filé tout de suite, elle s’était vue forcée, pour vivre, de vendre ses quatre meubles, heureuse d’avoir pu, avec ses derniers deux cents francs, faire de nouveau ses couches chez Mme  Bourdieu dans sa terreur de l’hôpital. Mais, lorsqu’elle sortirait de la maison prochainement, elle se trouverait de nouveau sur le pavé. À trente et un ans, ça commençait à n’être pas drôle.

« Elle n’a jamais été mauvaise pour moi, continua Cécile. Je suis allée la voir, car je la plains de tout mon cœur. Aujourd’hui je lui porte un peu de chocolat… Et si vous voyiez son petit garçon, c’est un amour. »

Ses yeux brillèrent, elle eut un tire tendre qui fit rayonner sa mince face pâle. C’était merveille, que cette ancienne gamine dégingandée, cette vaurienne des rues de Grenelle, fût devenue sous le fer brutal, une créature de sensibilité si délicate, une Ibère déclassée, restée fillette, d’une tendresse frissonnante, et si fragile, qu’un bruit trop fort menaçait de la briser comme verre. La