Page:Zola - Fécondité.djvu/460

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méchanceté d’ailleurs. Il y avait d’abord eu des scènes affreuses, jusqu’au jour où, bégayante, grelottante, la misérable châtrée en était venue à une résignation ahurie de petite vieille, rayée du monde. Ensuite, elle avait fini par céder d’elle-même le lit conjugal, elle s’était réfugiée dans l’ancien cabinet noir de ses deux fillettes, par peur, par désir de se terrer comme un animal déchu, laissant coucher les enfants près de leur maman de rechange. Et ce qui prouvait bien que ni Bénard ni Mme  Joseph n’étaient pas au fond de mauvais cœurs, c’était qu’ils la gardaient avec eux, inutile, encombrante, au lieu de la jeter au tas, ainsi que tant d’autres l’auraient fait.

« Vous voilà encore au milieu de la pièce ! dit brusquement la grosse femme, qui, s’empressant, allant et venant, devait chaque fois éviter la chaise. Est-ce drôle, ça, que vous ne puissiez pas vous mettre dans un coin !… Auguste va rentrer pour sa bouchée de quatre heures, et il ne sera guère content, s’il ne trouve pas son fromage et son verre de vin sur la table. »

Inquiète, sans répondre, Euphrasie chancelante se leva, eut toutes les peines du monde à traîner sa chaise un peu en arrière près de la table. Puis, elle se rassit, s’abandonna de nouveau, très lasse.

Justement, comme Mme  Joseph apportait le fromage, Bénard, dont le chantier était voisin, parut. C’était toujours le même gros garçon réjoui, il se mit à plaisanter avec sa belle-sœur, se montra très poli pour Mathieu, qu’il remercia de s’intéresser au sort de sa pauvre femme.

« Mon Dieu ! monsieur, il n’y a pas de sa faute, c’est ce que je lui répète. Les coupables, ce sont ces brigands qui lui ont tout enlevé, sans même me prévenir. Pendant un an, on a pu croire qu’elle était guérie, et puis vous voyez ce qu’elle est devenue. Ça ne devrait pas être permis,