Page:Zola - Fécondité.djvu/471

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deux cousins s’étant, depuis huit jours, exténués de travail, pour une livraison considérable, qui mettait toute l’usine en branle. D’autre part, la veille, Maurice en sueur, nu-tête, avait eu l’imprudence de s’oublier sous un hangar, dans un courant d’air, pendant qu’on y expérimentait une machine. Le soir, une fièvre intense se déclara, on envoya chercher Boutan, en grande hâte. Le lendemain, alarmé sans trop le dire de la marche foudroyante du mal, il exigea une consultation, deux de ses confrères vinrent, furent vite d’accord. C’était une phtisie galopante, d’un caractère infectieux particulier, comme si le mal, tombant en un terrain prêt à l’incendie, y prenait une violence de destruction extraordinaire. Beauchêne était absent, en voyage toujours. Constance, malgré les visages graves des médecins, qui ne voulaient pas être brutaux, restait, dans son inquiétude croissante, pleine de l’espoir entêté que son fils, le héros, le dieu, nécessaire à sa propre vie, ne pouvait être malade sérieusement, et mourir. Le surlendemain, il mourut entre ses bras, la nuit même où Beauchêne, rappelé par dépêche, rentrait. Ce n’était, en somme, que la décomposition dernière d’un sang bourgeois appauvri, gâté à sa source, la brusque disparition d’un pauvre être médiocre, souffrant depuis l’enfance, derrière sa façade de santé. Mais quel foudroiement pour la mère, pour le père, dont tous les calculs étaient détruits ! L’héritier unique, le prince de l’industrie qu’ils avaient voulu, par un calcul d’égoïsme si obstiné, passait comme une ombre, et la réalité affreuse, lorsque leurs bras ne serrèrent que le vide, se dressa. D’une seconde à l’autre, plus d’enfant.

Blaise était avec les parents au chevet du lit, au moment où Maurice expira, vers deux heures du matin et, dès qu’il le put, il annonça la mort à Chantebled, par dépêche. Neuf heures sonnaient, lorsque, dans la cour