Page:Zola - Fécondité.djvu/552

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

père et la mère, onze enfants, dont six garçons et cinq filles, plus deux petits-enfants déjà, ça faisait quinze. Les deux aînés, les jumeaux, avaient vingt-quatre ans, si semblables encore, que les gens parfois les confondaient, bien qu’ils ne fussent plus tout à fait pareils, comme jadis dans leur berceau, où il leur fallait ouvrir les yeux pour qu’on les reconnût, Blaise les ayant gris, Denis les ayant noirs. Le plus jeune, Nicolas, à l’autre bout, n’avait que cinq ans, un délicieux gamin, un petit homme précoce, d’une énergie, d’un courage qui semblait drôle. Et, des deux grands frères à ce petit, les huit autres s’étageaient, de deux ans en deux ans : Ambroise, le mari séducteur de demain, en marche pour toutes les conquêtes ; Rose, si éclatante de vie, à la veille également d’être femme, d’être mère ; Gervais, au front carré, aux membres de lutteur, qui bientôt livrerait le bon combat de la grande culture ; Claire, silencieuse, laborieuse, sans beauté, un cœur solide, une tête sage de ménagère ; Grégoire, l’écolier indiscipliné, la volonté toujours en éveil, battant les buissons, cherchant l’aventure ; les trois dernières fillettes enfin, Louise la bonne grosse fille, Madeleine la délicate et la rêveuse, Marguerite la moins jolie, la plus tendre. Et, lorsque, derrière le père et la mère, les onze débouchaient à la file, lorsqu’ils étaient suivis de Berthe et de Christophe, ceux de l’autre génération déjà, ça faisait une vraie queue de monde, comme ce beau dimanche, au travers de la Grand-Place de Janville, emplie de la population en fête. Et c’était irrésistible, même ceux qui gardaient en travers la prodigieuse création de Chantebled, s’égayaient, s’amusaient de les voir galoper de la sorte, envahir le pays où ils tombaient, tant ils apportaient avec eux de santé, de joie et de puissance, comme si la terre elle-même, en son débordement de vie, les eût enfantés à profusion, pour les éternels espoirs de demain.