Page:Zola - Fécondité.djvu/556

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frémir, s’échappant et disparaissant pendant des heures, pour battre les buissons, en quête d’oiseaux, de fleurs, de fruits sauvages. Et, si sa mère s’effarait ainsi, courant à sa recherche, lorsque les Froment passaient, c’était que, l’autre semaine, elle avait constaté un grand scandale. Le rêve passionné de Thérèse était d’avoir une bicyclette, surtout depuis que ses parents la lui refusaient avec obstination, déclarant ces machines-là bonnes pour les bourgeois, pas convenables pour les filles honnêtes. Or, un après-midi qu’elle s’en était allée par les champs, à sa coutume, sa mère qui revenait du marché, l’avait aperçue sur un bout de route déserte, en compagnie du petit Grégoire Froment, un autre rôdeur de buissons, un coureur de son espèce, avec lequel elle se retrouvait souvent de la sorte, dans des coins connus d’eux seuls. Ils faisaient bien la paire, on ne voyait qu’eux deux s’égayant, galopant, par les sentes, sous les feuilles, le long des ruisseaux. Et l’abomination, ce jour-là, était que Grégoire, ayant installé Thérèse d’aplomb sur sa bicyclette la tenait à la taille, d’un bras ferme, courant près d’elle, l’aidant à rouler. Enfin, une vraie leçon que le petit gueux lui donnait et que la petite gueuse recevait de tout son cœur ; et des rires, et des tapes, et des joujoux de gamins qui pouvaient très mal tourner. Aussi, lorsqu’elle était revenue, le soir, Thérèse avait-elle reçu deux maîtresses gifles.

« Mais où a-t-elle passé, cette sacrée coureuse ? continuait à crier la Lepailleur. On ne peut pas la quitter des yeux, sans qu’elle file. »

Antonin, ayant allongé la tête derrière la baraque aux porcelaines, revint en traînant la jambe, les mains toujours dans les poches, avec son ricanement vicieux.

« Regarde donc là, maman. Ça chauffe. »

Et, derrière la baraque, la mère surprit encore Thérèse et Grégoire ensemble. Lui tenait d’une main sa bicyclette,