Page:Zola - Fécondité.djvu/563

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fait quinze ! Ajoutez les cinq de l’arrière-garde, ça fait vingt… On vous en donnera des familles pareilles ! Les lapins qui nous regardent passer sont muets de stupeur et d’humiliation. »

Et de rire, et de reprendre tous à la fois la complainte de Cendrillon, en marche pour le palais du Prince Charmant.

Ce fut au pont de l’Yeuse que les premières gouttes de pluie commencèrent à tomber, des gouttes larges. La nuée livide, que poussait un vent terrible, galopait au ciel, l’emplissait d’une clameur de tempête. Et, presque tout de suite, les gouttes s’élargirent encore, se multiplièrent, fouettées par une si violente rafale que l’eau ruissela, s’abattit brusquement en paquets, comme si quelque formidable écluse se rompait là-haut. On ne voyait plus à vingt mètres devant soi. En deux minutes, la route déborda telle qu’un lit de torrent.

Alors, dans le cortège, il y eut un sauve-qui-peut. On ne sut que plus tard la chance heureuse de l’arrière-garde, qui, surprise près de la maison d’un paysan, s’y réfugia, en toute tranquillité. Ceux du break, simplement, fermèrent les rideaux, puis firent halte à l’abri d’un arbre, au bord du chemin, par crainte de quelque effarement des chevaux, sous une averse pareille. Ils crièrent aux bicyclistes, qui tenaient la tête, de s’arrêter eux aussi, de ne pas être assez fous pour s’entêter à recevoir un tel déluge, et leur voix se perdit dans le grondement de l’eau. Pourtant, ce fut le sage parti que prirent les fillettes et le page, en s’abritant derrière une haie épaisse, avec leurs machines. Mais, devant eux, le couple des fiancés, éperdument, continua.

Frédéric, le plus raisonnable des deux, avait eu le bon sens de dire :

« Ce n’est pas prudent, ce que nous faisons là. Je vous en prie, arrêtons-nous comme les autres. »