Page:Zola - Fécondité.djvu/565

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la cuisson des écrevisses. Avant que toute la famille arrivât, elle voulait que l’eau fût sur le feu, avec le vin blanc, les carottes, les épices du court-bouillon. Et elle allait, et elle venait, activant la flamme, emplissant la cuisine de son allègre activité, en bonne ménagère heureuse de montrer son savoir ; tandis que son fiancé, redescendu, lui aussi, la suivait des yeux, d’un air d’admiration béate.

Enfin, lorsque la famille entière fut là, ceux du break, et même les gens à pied, il y eut une explication assez vive, car le père et la mère se fâchaient, tellement cette course sous l’orage les avait inquiétés.

« Ma fille, répétait Marianne, ça manque de tout bon sens… Au moins as-tu bien changé de linge ?

— Mais oui ! mais oui ! répondit Rose. Où sont les écrevisses ? »

De son côté, Mathieu sermonnait Frédéric.

« Vous pouviez vous casser le cou, sans compter que ce n’est guère bon de recevoir toute cette eau froide, lorsqu’on a chaud.. Vous auriez dû l’arrêter.

— Dame ! elle a voulu filer quand même, et moi, vous savez, quand elle veut quelque chose, je n’ai pas la force de ne pas le vouloir. »

Ce fut Rose qui, gentiment, mit fin aux reproches.

« Voyons, voyons, assez de gronderies, j’ai eu tort… Et personne qui me ferait un compliment sur mon court-bouillon ! Avez-vous jamais vu des écrevisses sur le feu, qui sentissent aussi bon que celles-là ? »

Le déjeuner fut d’une gaieté débordante. Comme on était vingt et qu’on désirait faire une vraie répétition des noces, on avait mis la table dans une grande salle, voisine de l’ordinaire salle à manger. Elle était nue encore ; mais, tout le temps du déjeuner on ne parla que de la façon dont on comptait l’embellir, avec des arbustes, des guirlandes de feuillages, des touffes de fleurs. Au dessert, on fit même apporter une échelle, pour tracer sur les murs les grandes lignes de la décoration.

Depuis un instant, Rose, si bavarde jusque-là, se taisait.