Page:Zola - Fécondité.djvu/572

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déclaré qu’elles ne quitteraient la chère morte qu’au bord de la fosse. Ensuite, marchaient les intimes, les Beauchêne, les Séguin. Mais, dans leurs larmes, ni Mathieu ni Marianne, brisés de fatigue, anéantis de souffrance ne reconnaissaient plus les gens. Ils se souvinrent, seulement le lendemain, qu’ils avaient dû voir Morange, sans être certain pourtant que ce fût bien Morange, ce monsieur silencieux, effacé, entrevu comme une ombre, qui leur avait serré les mains, en pleurant. Et ce fut de même, dans une sorte de rêve horrible, que Mathieu se rappela la maigre figure, le profil sec de Constance s’approchant de lui, au cimetière, après la descente du corps, et lui disant de vagues bonnes paroles, tandis qu’il avait cru voir flamber ses yeux d’un triomphe abominable.

Qu’avait-elle dit ? il ne savait plus. Des paroles correctes naturellement, de même que son attitude était celle d’une parente affligée. Mais un souvenir brûlant lui revenait, d’autres paroles qu’elle avait prononcées, le jour où elle avait promis d’assister aux deux noces, en lui souhaitant, d’une bouche amère, que la bonne chance de Chantebled continuât. Et ils étaient donc foudroyés à leur tour, ces Froment si féconds, si prospères ! Et c’était peut-être leur bonne chance finie à jamais ! Il en garda un long frisson, ébranlé dans sa foi en l’avenir, hanté par la peur de voir la prospérité, la fécondité s’interrompre et se perdre, maintenant que la brèche était ouverte.