qu’il fût. Et c’était bien cela, Gaude avait dû se tromper. Elle écouta la vie battre en ses veines, elle se mit à suivre avec passion cette crise de son sang, ces brûlures, ces angoisses, qu’elle ne s’expliquait pas, qu’elle pensait être un renouveau tardif de son sexe. Une nuit même, comme elle entendait rentrer son mari, elle fut sur le point de se lever, de l’appeler dans sa couche éperdue, prise de la certitude de l’enfant. Puis, des douleurs graves survinrent, Boutan dut être consulté, et ce fut un écroulement encore, le coup de massue, lorsqu’il constata simplement un précoce retour d’âge, à quarante-six ans à peine, en laissant entendre que les fraudes avaient pu le hâter. Cette fois, l’arbre de vie était bien mort, rien désormais ne pousserait plus de la branche desséchée, d’où elle venait de voir tomber les dernières fleurs de sang.
Depuis deux mois, Constance mâchait ainsi sourdement sa rage de n’être plus une femme. Et, le matin, pendant ce baptême, et maintenant dans cette voiture, près de cette jeune femme enceinte, c’était sa déchéance inavouée encore, tenue secrète comme un mal honteux, qui empoisonnait son rire, qui la rendait jaune et mauvaise, capable des pires méchancetés. L’enfant qu’elle avait perdu, l’enfant qu’elle ne pouvait plus avoir, cette maternité longtemps contentée dans le calme, aujourd’hui dupée, inassouvie, la jetait à une véritable perversion morbide, où passaient des souhaits de monstrueuse rancune, qu’elle n’osait se dire à elle-même. Elle accusait le monde entier, et les événements, et les hommes, de s’entendre pour l’écraser. Son mari était le plus lâche, le plus imbécile des traîtres, car il la trahissait, en laissant aller, davantage chaque jour, un peu de l’usine à ce Blaise, dont la femme, si elle perdait un fils, en faisait tout de suite un autre. Elle s’irritait de voir ce mari si gai, si heureux, depuis qu’elle l’avait abandonné à ses basses jouissances du dehors, sans rien lui demander du